Comment tout peut s’effondrer
L’ouvrage de Pablo Servigne et Raphaël Stevens traite de collapsologie (l’étude des effondrements). Un sujet passionnant traité avec méthode et rigueur, dans un ouvrage qui donne une vue d’ensemble des mécanismes, des enjeux et des défis présents et à venir. Postface de Yves Cochet.
L’effondrement, un sujet sérieux ?
On commence fort en abordant le thème de l’effondrement. Plus exactement des effondrements. Le sujet fait souvent sourire et ceux qui tentent de l’aborder sérieusement sont immédiatement taxés de catastrophistes ou d’illuminés… Le sujet est pourtant très sérieux. Suffisamment sérieux pour que les co-auteurs de « Comment tout peut s’effondrer » (Pablo Servigne et Raphael Stevens) se voient conviés (en octobre 2016) à échanger sur le sujet des effondrements dans les locaux du très sérieux ministère de l’économie et des finances (Bercy). Etonnant ? Oui et non.
Plus de 40 ans de mise en garde
Pas vraiment étonnant que nos institutions s’intéressent au sujet car le sujet n’est pas récent. Dans leur ouvrage, les co-auteurs rappellent qu’un modèle établi au début des années 70 (World3) par le Club de Rome, montre que nos systèmes complexes (économiques, financiers, politiques et autres) nous mènent à de possibles effondrements multiples pour la fin des années 2010. Figurez-vous que ce modèle du Club de Rome n’a jamais pu être sérieusement remis en cause. Les données réactualisées régulièrement ont montré que depuis 40 ans le modèle est toujours fiable et solide. Pablo Servigne ajoute même (dans une conférence en lien ci-dessous) que le climat n’y est pas pris en compte… Les chiffres actuels, très concrets, nous font sortir de la théorie et donnent lieu à des constats très pragmatiques et non moins effrayants, car ils viennent confirmer ces prévisions, voire les dépassent: perte de la biodiversité, épuisement des ressources, dérèglements et catastrophes multiples…
Une prise de conscience de nos institutions ?
…Un peu plus étonant si l’on veut bien considérer que les effondrements des sociétés humaines ont tous un point commun: le déni de leur population, et le déni de leurs « élites ». Est-ce alors une bonne nouvelle qu’un ministère s’y intéresse ? A mon sens pas vraiment, car un groupe de travail au sein d’un ministère n’a pas forcément d’influence sur les politiques menées. On en est même bien loin. Ce sont les politiciens qui décident, et eux sont bien ancrés dans leur déni. Je mets un lien vers une vidéo d’Yves Cochet qui ré-explique très bien ce mécanisme du déni (également abordé dans le livre), toujours plus puissant à mesure que nous approchons de la catastrophe. Mais revenons à l’ouvrage. Si nos politiciens sont encore dans leur déni, ce livre peut nous faire sortir du nôtre ou consolider notre intuition que nous courons à la catastrophe.
Y a-t-il vraiment urgence ?
On peut dire que la situation est urgente ! Elle est même extrêmement urgente et bien plus gravissime que ce qu’on nous en dit dans les médias mainstream. Lorsqu’on nous parle de l’horizon 2050 ou 2100, pensez plutôt 2020, 2030… Comme le dit Yves Cochet, il s’agit de « demain matin »!
Quel rapport avec l’autonomie ?
La prise de conscience provoque un choc. Notre quotidien sera bientôt profondément bouleversé, de façon inconcevable pour notre cerveau. Nous pouvons toutefois tenter de mettre en place quelques réflexes, acquérir quelques petits savoir-faires, tenter de consolider quelques liens sociaux, familiaux, amicaux, qui viendront peut-être amortir un peu le choc devenu maintenant inévitable. Nul doute que nous devons prendre en compte dès maintenant que nombre de services ne pourront plus être assurés par les structures actuelles. A nous d’imaginer de nouvelles méthodes pour continuer à disposer de ce qui nous est nécessaire au quotidien, de penser de nouvelles façons de vivre et de vivre ensemble.
Le sujet vous intéresse ? Vous êtes bien-sûr les bienvenus dans les commentaires.